Le rôle des étoiles repères
dans la formation des grandes images mythiques

par René-André Lombard

Appuyées sur un travail de mythologie comparée et sur une étude minutieuse des documents figurés, poursuivis depuis 1946 (sujet de thèse déposé à l'Ecole des Hautes Etudes), les recherches résumées dans les pages qui suivent proposent un regard différent sur un certain nombre d'images réputées énigmatiques qui figurent sur les plus anciens monuments et qui hantent la mémoire collective.

Les grandes images mythiques paraissent souvent trouver leur origine dans un aspect essentiel de la vie religieuse des temps anciens : l'alliance étroite entre

rites saisonniers
calendrier lunaire
observation des étoiles-repères

En effet si les rites saisonniers paraissent une source évidente de grandes images sacrées, magnifiées au cours des temps par des interprétations symboliques et souvent encore bien vivantes dans la vénération religieuse, la répartition et la datation précise des moments consacrés à l'accomplissement de ces rites dans le cours de l'année solaire, ne pouvait autrefois se faire que dans le cadre des calendriers lunaires qui ont structuré l'existence humaine pendant des milliers d'années. De ce fait, dans la mémoire collective, l'imagerie "merveilleuse" qui peuple la mythologie et qui est issue des rites, est imbriquée étroitement dans le lot des images lunaires (images nocturnes frappantes et sources de légendes) issues de ces calendriers. Or la caractéristique même des calendriers purement lunaires (la dérive du mois lunaire dans les saisons) a bientôt rendu indispensable l'observation d'étoiles-repères. Dans l'hémisphère nord, un secteur d'étoiles à apparition et disparition saisonnières s'est imposé à l'attention, le secteur le plus brillant du ciel entier.

Ce repérage sur les étoiles saisonnières les plus "remarquables" impliquait, comme on sait, la nécessité de nommer les constellations où elles se trouvent. Il a fallu pour cela interpréter les lignes dessinées par ces constellations en projetant sur elles les silhouettes des animaux, des végétaux ou des objets en rapport avec la saison et les préoccupations humaines du moment.

Ces silhouettes ont traversé les millénaires : nos cartes du ciel  (même si elles ne les dessinent plus), en ont conservé les noms pour désigner les constellations... conservé "religieusement", peut-on dire. Car ce travail de l'imagination qui a "projeté dans les astres" des figures humaines et animales, a laissé des traces d'une importance capitale dans la religiosité. En effet, les figures dessinées la nuit par les étoiles sur l'immensité cosmique ne pouvaient être interprétées, dans la pensée ancienne, que comme des "signes" envoyés par des puissances supérieures (nous avons gardé le mot pour désigner les constellations saisonnières du Zodiaque). On comprend que les images issues de l'observation des étoiles-repères aient joué un rôle important dans la création d'un grand nombre de séquences mythiques prestigieuses.

Les plus anciennes allusions claires aux constellations dont nous disposons (livre de Job, et Bouclier d'Achille dans l'Iliade d'Homère) ne citent, avec la Grande Ourse, que les Pléiades, les Hyades et Orion qualifié de "Grande Force Vitale". Cette concentration de l'attention sur un seul secteur du ciel est significative.

C'est une invitation à regarder de plus près ce groupe de constellations et à rechercher dans les appellations qui leur ont été données les raisons de l'importance qu'on leur attribuait.

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